Sous-diagnostic et déni de l’infection chronique à coronavirus
On peut être atteint du covid long sans le savoir.
On peut aussi penser être guéri du covid sans l’être vraiment.
Il existe toutes sortes de mauvaises raisons pour justifier cet état de fatigue et passer à coté du diagnostic , pourtant essentiel pour entrevoir la guérison.
Que vous ayez eu le covid ou non, si vous vous sentez fatigué(e), oppressé(e), déprimé(e), vous devriez lire ces lignes. Si vous avez l’impression que ça vous parle, prenez contact avec votre médecin qui pourra vous prendre en charge. Il se pourrait bien qu’il vous confirme l’état de covid long.
C’est une véritable épidémie d’état de fatigue chronique qui est apparue depuis un an.
Exactement en même temps que la pandémie du coronavirus.
Il a fallu plusieurs mois pour que la communauté médicale fasse le lien entre les deux.
Le recueil de nombreux témoignages et la mise en route des programmes de recherche a abouti en septembre 2020 à la définition du syndrome d’infection chronique à coronavirus appelé covid long : un ensemble de symptômes, bien plus complexe que de la simple fatigue, qui pris séparément peuvent trouver toutes sortes d’explication, mais qui présents simultanément forment une entité clinique cohérente.
Le problème est qu’il y a toutes sortes de mauvaises raisons amenant à nier être victime du covid long.
Chaque semaine je reçois en consultation au moins une personnes qui pense que son état de fatigue ou de déprime est psychosomatique alors même qu’il s’agit clairement des symptômes persistants de l’infection par le coronavirus.
Passons donc en revue chacun de ces symptômes, et à chaque fois les mauvaises excuses qui lui sont associées.
Fatigue :
« j’en fais trop », « je n’ai pas pris de vacances cette année », « c’est normal je vieillis », « je ne fais plus assez de sport », « je dors mal » . Pourtant il faut être alerté, surtout si cette fatigue fait place de temps en temps à un regain de forme inattendu. Une situation de forme fluctuante ne pouvant être reliée à aucune cause identifiable, qui ne disparaît pas avec le repos doit toujours être prise au sérieux.
Troubles du rythme cardiaque :
« je suis trop nerveux », « le confinement me bouleverse », « je me suis coincé une vertèbre dans le dos », « ça finira par passer ». Dans tous les cas il faut voir un médecin. C’est peut-être grave. Mais dans le cas du covid long les examens médicaux (électrocardiogramme, échographie , test d’effort) ne montrent rien, hormis un banal mais bien pénible trouble du rythme.
Oppression thoracique, respiration difficile :
« je me suis démis une vertèbre », « je ne fais plus assez de sport » « la situation sanitaire m’angoisse » « le port du masque m’étouffe » « tous ces gens qui ont peur ça m’oppresse », « je dois être allergique à quelque chose ». Il faut consulter . Parfois un scanner thoracique permet de voir des lésions typiques du passage du coronavirus. Et parfois on ne voit rien sur le plan pulmonaire, le plus souvent la saturation en oxygène est bonne.
Douleurs, courbatures :
« Je ne fais pas assez d’étirements », « je suis tendu », « j’ai fait un faut mouvement », « il faut que je me remettre au sport », « je fais trop d’écarts alimentaires ». La lutte silencieuse et invisible contre le virus crée une inflammation chronique qui donne cette sensation d’être dans un corps intoxiqué et crispé.
Insomnie :
» la situation sanitaire me trouble plus que je ne veux bien le reconnaître », « le monde va mal et ça me perturbe » , »j’ai changé mes habitudes de vie », « j’ai du soucis ». L’insomnie est souvent présente dans le covid long, en particulier en milieu et fin de nuit du fait de la congestion des organes dans la cage thoracique, des courbatures, des anomalies du rythme cardiaque.
Déprime :
« la situation sanitaire me déprime », « coté boulot rien ne va plus avec la crise sanitaire », « je vieillis, je suis au bout de ma vie , place aux jeunes ». Évidement il faut rester vigilant à ne pas passer à coté d’un vrai syndrome dépressif, mais un état de lassitude, de perte d’intérêt, de baisse de l’élan vital est un signe très caractéristique du covid long, et qui dans ce cas là n’est pas psychosomatique mais au contraire somatopsychique (c’est l’état du corps qui perturbe l’esprit).
Troubles digestifs, selles irrégulières :
» depuis le confinement je mange moins bien », « j’ai modifié mes habitudes alimentaires » .
Accouphènes :
« j’en ai déjà eu , ça passera »
Sensations fébriles:
« je suis devenu frileux(se) », « 37°3 ce n’est pas de la fièvre »
Troubles cutanés :
« je dois être devenu allergique à quelque chose ». « c’est sûrement psychosomatique »
Maux de tête, vertiges, troubles de la concentration:
« les soucis, la crise sanitaire me prennent la tête », « j’ai besoin de vacances », « je fais un burn-out »
Bien souvent les personnes qui consultent chez moi ont déjà eu un parcours médical au-delà d’une visite chez un généraliste incluant au moins une visite chez un cardiologue et un pneumologue, mais aussi chez un dermatologue, un gastro-entérologue, un psychiatre … Sans résultat.
L’argument massue pour nier le covid long est alors le suivant : « tous mes examens médicaux sont bons, et surtout je n’ai jamais eu de test covid positif, ou alors il y a longtemps et ma sérologie est négative« .
D’un certains coté c’est une excellente nouvelle, il vaut mieux cela que de découvrir une pathologie lourde. Mais des examens biologiques rassurant ne doivent pas faire ignorer les signes cliniques pour autant.
Avoir une sérologie négative est très courant dans le covid long, et fait précisément partie du problème, car sans anticorps spécifiques du coronavirus le corps lutte difficilement et une forme chronique est probable.
De plus l’infection chronique ne perturbe généralement pas assez la formule sanguine pour être détectée dans une prise de sang.
Ainsi donc pris séparément, ces signes et symptômes peuvent trouver des raisons, toutes plus mauvaises les unes que les autres, en particulier d’obscures raisons psychosomatiques.
Mais mis bout à bout, cela forme un tableau clinique très évocateur du covid long.
J’espère que la diffusion de cette information contribuera au dépistage de cette maladie sournoise et encore mal diagnostiquée.
Pour en savoir plus des association, dont l’association Covid Long France « après J20 » lancent un cri d’alarme et apportent information aux soignants et soutien aux malades.
Au Royaume-Uni une étude montre que plus d’un million de personnes en sont affectées, des mois après avoir été touchées par la maladie de façon silencieuse ou symptomatique.
En France la situation est certainement très semblable. Certaines personnes vivent un véritable enfer depuis un an et savent que c’est la suite du covid. Mais d’autres ignorent pourquoi elles se sentent fatiguées, courbatues, oppressées, déprimée.
Avant de tout mettre systématiquement sur le compte de l’ambiance pénible de crise sanitaire ou sur des écarts dans notre mode de vie, pensons à l’éventualité du covid long.
Savoir de quoi l’on souffre c’est déjà aller mieux, et c’est pouvoir commencer à se soigner.